Préambule
Le Mongy n'est que la survivance d'un très vaste ensemble de
tramways, que l'on pouvait subdiviser en 2 sous-systèmes:
- un système à voie métrique (1m d'écartement
entre les 2 rails) à Roubaix - Tourcoing
- un système à voie normale (1m44) autour de Lille.
En maints endroits, ces 2 systèmes se rapprochaient comme place
du Théâtre à Lille, ou près de l'église
St Vincent à Marcq-en-Baroeul, ou même se croisaient comme
au carrefour à Lille entre la rue des Jardins et le Boulevard Carnot,
avec là un croisement de lignes aériennes très complexe
(prise de courant par pantographe du Mongy,
et par perche des tramways lillois de la CGIT).
Pour une connaissance détaillée de ces très complexes
réseaux,
lire le livre de Claude Gay (voir page bibliographie).
Alfred Mongy
Cet ingénieur, né à Lille en 1840, et mort en 1914,
est le concepteur de ces lignes de tramways
que les Nordistes continuent de désigner par son nom.
Il fut d'abord fonctionnaire, ingénieur de la Mairie de Lille,
puis du Conseil Général (assemblée du département)
du Nord.
Au début du 20° siècle, il fonde une société
privée dont l'objet
est l'exploitation de lignes de tramways.
Le Grand Boulevard
A partir de 1905, et pendant 4 ans, on construisit un nouveau "Grand
Boulevard"
entre Lille d'une part, et Roubaix et Tourcoing d'autre part.
Les routes anciennes étaient étroites et mal commodes.
Lille est distante de Roubaix d'environ 12 km, et de Tourcoing de 13
km.
Ce boulevard est en tronc commun unique de Lille à Marcq-en-Baroeul,
jusqu'en un lieu appelé Croisé-Laroche,
et s'y divise en 2 branches, l'une vers Roubaix, à droite,
l'autre vers Tourcoing à gauche.
L'orientation est grosso modo du Sud (Lille) vers le Nord (Roubaix
et Tourcoing).
Ce boulevard était composé à l'origine de :
- un axe central pour la circulation automobile,
- deux chaussées latérales pour la desserte locale, et
les véhicules lourds (à l'origine du moins...),
les camions y sont maintenant interdits,
- une piste cavalière et une piste cyclable (la piste cyclable
vient d'être modernisée,
la piste cavalière est disparue dans les années soixante),
- des trottoirs assez larges pour les piétons,
- et l'espace pour la double voie ferrée du tramway.
Ce boulevard a été inauguré, avec le tramway le samedi 4 décembre 1909
Le Tramway
Son histoire propre peut être divisée en 5 principales époques.
De l'inauguration à 1950
Pendant 40 ans, ce sont les motrices 400 d'origine qui circulent,
avec remorque si le trafic est intense.
Ces motrices, très modernes, à boggies, à courant
continu 600 volts, et prise de courant par perche sur caténaire,
sont rapides, spacieuses, fermées (le conducteur est à
l'abri des intempéries, ce qui n'était pas fréquent
pour les tramways urbains au début du 20e siècle), et chauffées.
Les sièges sont de bonne qualité.
L'usage de la caténaire et de la voie en site propre (voie métrique),
en dehors des autres véhicules, permet une bonne vitesse.
Ce Mongy a été conçu comme un vrai chemin de
fer interurbain, et non comme un tram urbain.
La compagnie exploitante est l'ELRT (électrique Lille Roubaix
Tourcoing), qui exploite aussi
d'autres lignes de tramways (puis d'autobus), à Roubaix Tourcoing
essentiellement.
Ces motrices 400 seront construites en 35 exemplaires de 1909 à 1926.
Les 2 guerres ont été des moments difficiles.
En 1914-18, la région lilloise était occupée par
l'armée allemande.
ce qui engendra beaucoup de difficultés pour les tramways :
manque d'électricité, de personnel compétent qui était
mobilisé,
manque de matériel de rechange.
A la fin de la guerre, le réseau était très abimé.
En 1940, les difficultés furent du même ordre. Cependant
le trafic du Mongy fut considérable,
En effet l'essence était rare, donc les voitures et autobus
ne circulaient quasi plus.
Il fallait utiliser les tramways.
1950 - 1968
En 1950, la compagnie achète 28 motrices neuves, les 500,
très modernes pour l'époque.
Elles étaient prévues pour circuler par paire, ce qui
ne fut pas vraiment fait.
On passe à l'usage du pantographe pour la prise de courant.
Quelques 400, rééquipées de pantographes, continueront
d'épauler les 500 pendant la décennie 50,
surtout sur les lignes de Tourcoing et de Marcq.
En 1956, lors de la fermeture des lignes intérieures à
Roubaix et Tourcoing,
les petites motrices 200 (de 1936-37), précurseurs des 500,
sont réutilisées (et équipées aussi de
pantographes) sur le Mongy,
pour l'antenne de Marcq.
Le développement considérable de l'usage de l'automobile
dans cette période diminue le trafic des tramways.
En 1956, on termine de fermer le réseau à voie métrique
de Roubaix-Tourcoing (exploité par l'ELRT).
En 1966, s'achève la fermeture des trams à voie normale
de la CGIT à Lille.
Les lignes sont exploités par autobus.
Il ne reste plus que le Mongy, comme ultime "survivant" d'un double
réseau de tramway considérable.
En 1950, le réseau de trams de l'agglomération lilloise
était sans doute un des plus important d'Europe.
1968 - 1981
La concession de l'ELRT se termine en 1968.
Beaucoup souhaitent la disparition du Mongy, déficitaire, et
qui empêche d'élargir les chaussées routières
du Grand Boulevard.
Un large mouvement de protestation aboutit au maintien du tramway,
et à la création de la SNELRT (société
nouvelle ELRT).
Une modernisation des motrices 500 est effectuée.
Nouvelles couleurs, nouveaux aménagements intérieurs,
et un seul traminot à bord.
En effet, auparavant, il y avait un mécanicien (pour conduire)
et un receveur (pour vendre et poinçonner les tickets).
On montait par la porte arrière du tramway, et on était
obligé de passer devant lui pour entrer : fraude impossible !
et tranquillité du voyageur garanti par cette double présence
humaine.
Notons malheureusement en 1972 la fermeture de l'antenne de Marcq-en-Baroul
1981 - 1994
Les motrices 500 vieillissent, les 200 ne roulent plus, il ne reste
que deux 400 utilisées seulement
dans des circonstances exceptionnelles (cinéma, voyages associatifs...).
Un nouvel exploitant est créé fin 1981 : la COTRALI,
par fusion de la SNELRT, et de la CGIT (dernier exploitant des tramways
de Lille à voie normale supprimés en 1966, et remplacés
par des bus).
Cotrali veut dire : Compagnie des Transports de la Communauté
Urbaine de Lille.
Le sigle apposé sur les véhicules sera TCC (transports
en commun de la communauté).
L'avenir du tramway est en balance avec son remplacement par une ligne
de métro.
Il n'y a pas assez d'argent ni de volonté pour acquérir
des motrices neuves.
On décide provisoirement d'acheter des tramways allemands d'occasion,
du constructeur Düwag.
Il s'agit de la série 300.
Rouleront 6 motrices simples (une caisse sur 2 boggies), et 34 machines
articulées (deux caisses sur 3 boggies).
Avec des fortunes diverses. Elles ont permis, par la plus grande capacité
des motrices doubles,
d'absorber l'augmentation du trafic, engendré par la mise en
correspondance du Mongy avec le nouveau métro
par le percement du souterrain qui permit au tram d'aller sous la gare
de Lille-Flandres.
Mais c'étaient des machines presque aussi vieilles que les 500,
et malgré une profonde remise à neuf par les ateliers
de Marcq, il n'y a pas de miracle.
Leur confort et leur fiabilité n'étaient pas tout à
fait à la hauteur des attentes des passagers.
période actuelle
De 1991 à 1994, le Mongy a subi une cure de modernisation radicale.
Il a enfin été décidé de le conserver,
et d'en faire un système de transport performant,
et complémentaire des 2 lignes de métro.
On a tout changé !
La voie et la caténaire ont été reconstruites,
la tension a été portée à 750 volts (ce qui
empêche malheureusement
la circulation à titre touristique ou historique des motrices
plus anciennes).
Les stations ont été modernisées, certaines ont
été mises en souterrain
au niveau de carrefours très encombrés.
Les terminus ont été modifié (boucles supprimées,
mise en correspondance avec le métro).
Le gabarit a été élargi, porté à
2m40, en gardant la voie métrique.
Et l'on a acheté, en Italie, à la société
Breda, 24 nouvelles motrices articulées, de grande capacité,
plus longues que ce qui avait roulé jusque là sur le
Mongy.
On a aussi renforcé l'alimentation électrique par la
construction de nouvelles sous-stations (une seule existait auparavant).
Et l'on a construit de nouveaux ateliers au lieu-dit "Rouges Barres",
au Nord de Lille
et l'on a donc fermé les ateliers de Marcq-en-Baroeul, qui avaient
entretenu tous les Mongys depuis l'origine.
En un mot, on a totalement reconstruit le tramway, comme on l'aurait
fait s'il n'avait jamais existé.
C'est une belle réalisation, qui rend à cette ligne sa
modernité dernier cri, comme elle l'avait eu
en 1909 à l'origine, ou en 1950 lors de l'acquisition des motrices
500.